Project Gutenberg's Contes de Noel par Josette, by Madame R. Dandurand This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.net Title: Contes de Noel par Josette Author: Madame R. Dandurand Release Date: July 26, 2004 [EBook #13024] Language: French Character set encoding: ASCII *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CONTES DE NOEL PAR JOSETTE *** Produced by Renald Levesque and La bibliotheque Nationale du Quebec CONTES de NOEL par JOSETTE AVEC UNE PREFACE de LOUIS FRECHETTE PREFACE _Voici notre petite bibliotheque canadienne qui s'enrichit aujourd'hui d'un nouveau volume; et, chose assez insolite chez nous, ce volume est signe d'un nom de femme._ _La signature etait-elle bien necessaire cependant pour accuser cette particularite?_ _Non._ _Car, autant le pseudonyme de Josette voile peu la gracieuse personnalite qu'il a la pretention de couvrir, autant la feminite--pour me servir d'un neologisme mis a la mode par les psychologues du jour--autant la feminite de l'auteur se trahit a chaque page, je pourrais dire a chaque phrase, dans des legeretes de dessin et des fraicheurs de teintes, que l'homme au pinceau le plus delicat ne parvient presque jamais a atteindre._ _Tournures calines, sous-entendus discrets, colloques semes d'incoherences enfantines, petits mots doux et tendres comme des baisers, tout revele la femme, la femme jeune et aimante, dont--pour les bebes surtout--la main est une caresse, le bras un oreiller, la voix une chanson d'amour._ _En lisant ces bluettes,--car il s'agit de simples bluettes, de contes si vous aimez mieux,--on s'arrete malgre soi devant tel detail saisi sur le vif, telle nuance finement observee, telle vague ebauche dont les contours perdus laissent deviner quelque delicieux profil; et l'on s'avoue in petto qu'un doigt de femme pouvait seul crayonner avec cette souplesse, qu'on dirait inconsciente._ _En effet, ce qui caracterise peut-etre plus que toute autre chose le style de l'interessant petit volume que je suis charge de presenter au lecteur, c'est une absence de toute recherche, une facilite naturelle, une allure independante et prime-sautiere, qui donnent l'impression de quelqu'un laissant courir sa plume sur le papier sans le moindre effort, sans aucunement s'inquietter de bien dire, et sans s'en douter le moins du monde racontant merveilleusement des choses charmantes._ _Car ils sont tout pleins de choses charmantes, ces petits Contes de Noel qui respirent tant de suavite naive, et qui evoquent autour de vous tout un essaim de souvenirs ailes papillonnant a votre oreille avec les echos des vieux chants d'eglise et des joyeux carillons d'autrefois._ _Ils vous bercent._ _Ils vous rajeunissent._ _Ils ressuscitent sous vos yeux mille figures lointaines, mille horizons oublies._ _Ils vous chuchotent je ne sais quelles ressouvenances qu'on ecoute le coeur attendri, et quelquefois meme avec une larme tremblante au bout des cils._ _Pour ma part, j'ai passe une heure bien douce a parcourir ces pages toutes vibrantes d'emotions intimes, et je suis heureux que l'auteur me permette de lui en offrir ici meme mon remerciment sincere avec mes confraternelles felicitations._ _Toute jeune encore, depuis trois ou quatre ans deja, la charmante conteuse s'etait fait remarquer dans la presse; et plus d'une fois ses jolies nouvelles, toutes empreintes d'un rare cachet de distinction, avaient attire l'attention de ceux qui, parmi nous, cultivent les lettres ou s'occupent des choses de l'esprit._ _Il y a quelques mois a peine, a Quebec, elle revelait son talent pour la scene dans une petite piece dont le succes fut eclatant._ _Ces debuts pleins de promesses, elle les confirme aujourd'hui par un premier volume, qui n'est sans doute que la premiere perle de tout un ecrin._ _Les qualites d'ecrivain dont elle y fait preuve lui donnent droit a une place marquante dans notre petit monde litteraire; et, s'ils me permettent de me faire ici leur interprete, je crois pouvoir lui offrir, au nom de mes confreres de la plume, la plus sympathique et la plus cordiale bienvenue._ _Tous s'empresseront meme, j'en suis sur de lui ceder un siege d'honneur, a une condition cependant--et cette condition, la voix du patriotisme l'impose--c'est que ce premier ouvrage soit bientot suivi de plusieurs autres._ _Pour ma part, je lui dirai en lui tendant la main:_ --Madame, vous etes maintenant debitrice d'un creancier qui a le droit d'etre impitoyable, parce qu'il parle au nom de tous, le Public._ _Vous avez ecrit les Contes de Noel. Tant pis pour vous: Noblesse oblige._ LOUIS FRECHETTE. TABLE DES MATIERES. Noel au pays. Hier et Demain Le reve d'Antoinette Le Jour de l'an Noel Le Jour de l'an au Ciel Histoire de deux Serins Le dernier Biberon NOEL AU PAYS On est a la Noel. Partout dans la campagne, sur la vaste etendue, les longues routes blanches sont constellees. Entre leur bordure verte de sapins,--ces bouees fleuries, guides du voyageur dans la plaine immense et nivelee par l'hiver,--on les voit courir et se croiser a travers les champs combles. Et c'est comme une procession, ce long cortege de traineaux venant de toutes parts, s'acheminant tous vers l'eglise du village. La rosse qui les tire, indifferente au froid comme a la gravite de l'heure, trotte sans hate, d'un pas egal et rythme. De ses naseaux l'haleine s'echappe en fumee lumineuse; mais cette ressemblance lointaine avec les coursiers olympiens, dont les narines flamboyantes lancent des eclairs, en est une bien trompeuse cependant, car, voyez la pauvre bete--par exemple la derniere la-bas, avec cette lourde charge--les ardeurs guerrieres sont depuis longtemps mortes en sa vieille charpente. D'un contentement egal elle porte au marche les poches pleines, ou, comme en ce moment, la famille a la messe de minuit. Le pauvre cheval n'est pas ne du printemps. Cette demi-douzaine de marmots qu'il traine la, et d'autres encore qu'on a laisses a la maison, s'il ne les a pas vus naitre, du moins les a-t-il tous, chacun a son tour, menes a l'eglise petits infideles, pour les en ramener petits chretiens. L'histoire de ces vieilles betes est celle de leur maitre. Jeune et fringant, le bon animal brula jadis le pave pour conduire chez "sa blonde" le pere d'aujourd'hui. Et, depuis, ils cheminent ensemble dans la vie, se supportant reciproquement, travaillant cote a cote, indispensables l'un a l'autre, se retrouvant toujours aux heures solennelles, aux moments d'urgence, moments ou le plus humble des deux devient parfois le principal acteur. Quand il s'agit, par exemple, de longues courses pressees, l'hiver, par les chemins debordes, au milieu de la "poudrerie" que souleve l'aquilon; l'automne, quand le pied s'embourbe et se degage avec peine dans les sentiers boueux, et l'ete sur les routes sans ombrage. Element oblige des joies de la famille, il conduit aujourd'hui "les enfants" a la messe de minuit; cette fete unique pour les petits et les simples; fete mysterieuse ou ils retrouvent dans la touchante et poetique allegorie de la Creche, la reproduction tangible, comme une incarnation des choses vagues et douees, du merveilleux qu'ils voient parfois flotter dans les reves de leur sommeil paisible ou dans les fantaisies de leur imagination naive. Les deux plus jeunes de ces six heureux, enfouis, emus et recueillis, dans le fond du traineau, y viennent pour la premiere fois. Tandis que le pere, des qu'on est arrive descend le premier et se met en devoir de tirer les petits de l'encombrement des "robes", le plus grand saute a terre pour jeter la meilleure et la plus chaude peau sur la bete qui fume. Et pendant qu'on l'attache, les mioches, ranges sur le perron de l'eglise, engonces, raides comme des mannequins dans leurs gros vetements "d'etoffe du pays", regardent et se disent tous bas: --Pauvre Bidou, il ne verra rien! Puis on les pousse dans le vestibule, ou la main paternelle enleve de leur tete, la "tuque" de laine profondement enfoncee. Les cheveux suivent le mouvement, et demeurent tout droits, herisses. Qu'importe! les petits hommes, le coeur serre, ne quittent pas des yeux le chef de famille, prets a obeir au premier signe. A peine osent-ils passer en hate leur grosse mitaine au bout de leur nez et sur leurs yeux ou le froid a mis des larmes. A travers la lourde porte on percoit quelque chose de doux et de troublant, quelque chose d'exquis comme un chant pour endormir les anges. Soudain cette porte s'ouvre toute grande et les marmots extasies, le regard attache sur les mille feux de l'autel, avancent inconsciemment, marchent comme dans un reve, jusqu'a ce qu'on les retienne par leur habit. Tandis que la foule s'agenouille et s'incline autour d'eux, ils restent debout, sans mouvements, absorbes par la vue de la grotte de sapins, cristallisee de sel, representant la neige sous laquelle git, presque nu, le Petit-Jesus tout blanc, tout mignon, tendant les bras en souriant aux fideles qui l'adorent. Certes, il ne fait pas chaud dans l'eglise; l'haleine y monte comme l'encens, en spirales blanches, vers la voute noire. Aussi, malgre la presence du boeuf et de l'ane autour de la creche, les petits gars se disent-ils en eux-memes que cela leur semble bien insuffisant. Ils craignent beaucoup que le bon Jesus ne grelotte, aussi legerement vetu. Mais il y a la la sainte Vierge toute sereine, presque souriante; elle s'en apercevrait bien, elle, puisqu'elle est sa maman, n'est-ce pas, s'il avait trop froid. Qu'importe! voila saint Joseph avec un grand manteau rejete en arriere et dont il n'a que faire... S'il le lui mettait, ca ne serait pas de trop assurement! Mais non pourtant... Cela doit etre. Il faut que l'adorable Jesus souffre pour les hommes... afin d'expier leurs peches! On leur a souvent raconte cela. Mais pourquoi les vilains hommes ont-ils fait des peches? Leur coeur se souleve, s'emplit soudain d'une grande indignation. Un violent desir de venger le Petit-Jesus les saisit. Des gros mots--les plus energiques de leur vocabulaire enfantin--d'eloquentes invectives leur montent aux levres pour fletrir les ingrats qui lui font tant de mal. Ils vont le prendre et l'emporter. Ils vont le mettre dans leur lit; eux coucheront a terre plutot! Ils vont le couvrir de tout ce qu'il y a de chaud et de moelleux dans la maison!... L'on verra bien ensuite si les mechants oseront venir le leur oter!... Et les pauvres innocents, navres, tout fremissants de la tempete qui vient de passer en eux, reniflent tout bas, pris d'une grosse envie de pleurer. Tout a coup la musique cesse. C'est comme si une main brusque chassait leur reve en les reveillant brutalement. La grotte de sapins s'emplit d'ombres, et au milieu d'un vilain brouhaha, on les entraine dehors ou le vent glace les soufflette au visage. Sans un mot ils se laissent tasser, encapuchonner, envelopper dans les fourrures, sentant gronder en eux une sorte de mauvaise humeur rageuse qui se fond bientot en un immense besoin de dormir. A la maison on les sort de leur nid comme des sacs de farine--par les deux bouts. On les deshabille, on les couche sans qu'ils en aient conscience, sans qu'ils prennent meme part a ce fameux reveillon dont ils ont vu les apprets allechants, et qui devait, dans leur espoir d'hier, couronner si delicieusement la fete. Leurs nerfs agites se reposent, dans un sommeil de plomb, de la secousse qu'ils ont subie. Et ce sera demain le debordement des impressions, les emportements, les questions sans nombre, l'adorable histoire enfin des ames neuves s'ouvrant une premiere fois a la perception des choses de la vie. Et, certes, sous quel plus pur et plus chaud rayonnement que celui de la creche divine; a quelle plus belle aurore pouvait s'operer cette fraiche eclosion! Vive Noel toujours pour les mignons et les innocents! HIER ET DEMAIN _Un conte du jour de l'an pour le grand monde._ J'avais comme de coutume suspendu un bas de ma plus longue et plus belle paire a mon clou particulier... Sur un pan du mur de notre grande "Nursery", depuis bien des _jours de l'an_, six clous reserves a l'usage antique et solennel restaient alignes. Ils y sont meme encore, quoique la "nursery" ait perdu son nom et son utilite. Ils y sont encore--persistants comme les bons souvenirs--accrochant parfois au passage le bout flottant d'un ceinturon, la dentelle d'une manche qui les effleure, comme pour remendier un peu de l'interet de jadis. Comme on devient maussade et moralisateur en vieillissant! Ces clous innocents, qui faisaient autrefois battre mon coeur impatient d'une joie sans bornes comme sans melange, me font m'arreter maintenant toute reveuse et philosophante. Je les recompte sur le mur, pensant que tout cela c'est fini, songeant aussi que l'un de leurs proprietaires n'y est plus, ne reviendra jamais, etc. Bien d'autres idees se mettent a me passer dans l'esprit et je reste immobile, la, au milieu de la piece, regardant fixement..., nulle part. C'est que ces six clous en content, des choses! Cela chante la poesie, la candeur de l'enfance, au milieu d'un entourage qui accuse l'experience, la maturite des sentiments, qui trahit jusqu'a la transformation graduelle des aspirations chez les bebes grandis. On voit ca et la des livres, des portraits, divers articles parlant tous le langage d'un autre age. Et, devant le contraste de ces deux epoques, l'on se demande laquelle vaut le mieux? Au temps que je suspendais mon bas, je n'aurais voulu pour rien au monde perdre mes cheres superstitions. Je croyais a _Santa Claus_ [1] avec fanatisme. [Note 1; Maniere de designer Saint Nicholas, que le contact anglais a fait passer dans nos habitudes.] Que ses desseins impenetrables, que ses dons mysterieux m'inspiraient donc de reves fantastiques, de conjectures delicieuses! Et mon ingenieuse ignorance me laissait supposer des tresors enfouis en des spheres feeriques, que des notions plus positives m'ont depuis fait oublier! Aussi l'on ne saurait se figurer quelle melancolie, quel vide se produisit dans mon ame, quand ces adorables chimeres commencerent a me paraitre moins vraisemblables! Je resistai quelque temps a la desillusion; je retins, comme malgre eux, les bien-aimes fantomes qui voulaient s'enfuir. Lutte inutile! Il m'eut fallu, pour garder ma foi naive, mes reves cheris, fermer mes oreilles et mes yeux, arreter les recherches de ma raison curieuse, oublier les lecons journalieres de l'experience, toutes choses qui voulaient voir, entendre, deduire avec une ardeur desesperante. Je vis, j'entendis, je raisonnai tant qu'un bon jour je sentis avec douleur qu'il me fallait faire mes adieux a mon pauvre _Santa Claus_. C'etait ingrat et ridicule; la dette de reconnaissance que j'avais accumulee, toutes les effusions, les joies du passe, tout cela etait donc absurde et faux?... J'en voulais aux autres de m'avoir trompee... En somme, je me sentais fort malheureuse; le monde me semblait bien morose, bien insignifiant! Le coup decisif arriva ainsi: Ce soir-la, malgre mes doutes, j'avais fait comme les autres, car il y avait derriere moi tout un petit peuple encore credule que je regardais avec un melange d'ironie et d'envie. --Apres tout... qui sait? argumentai-je en moi-meme, c'est peut-etre toujours vrai... Le bon Dieu est bien bon, et si puissant! Qu'est-ce qui empeche qu'il envoie lui-meme, directement, son expert et fidele _Santa Claus_, distribuer les recompenses a ses petits enfants? Du reste, je vais bien voir. Mes yeux veilleront plutot toute la nuit. Il faudra enfin que cela s'eclaircisse! S'il en vient un autre que l'envoye du ciel, il ne m'echappera pas celui-la! Ma surveillance d'ailleurs ne faisait pas que de commencer a s'exercer. Toute la journee, moi-meme, j'avais voulu etre portiere. Les allants et venants, les paquets petits et gros, les colloques suspects, tout fut note avec soin, sans trahir pourtant d'indices revelateurs. Mon scepticisme palissait; mes illusions reprenaient vigueur. --Je vais bien voir! me repetais-je tandis qu'on emportait la lumiere, que les innocents qui m'environnaient se mettaient a ronronner et a marmotter des choses inintelligibles en leurs reves d'or, je vais bien voir! Mon Dieu qu'il en coute de voir quand il fait nuit, que la pendule vous berce obstinement de son monotone tic-tac, que le sommeil caresse doucement le bord de vos paupieres, engourdit sans bruit vos pensees! Mon Dieu, que c'est difficile de ne pas oublier son inebranlable determination, de ne pas ceder a la persuasive et commode logique du consolant Morphee! J'y mis pourtant toute mon energie; ma vigilance ne s'etait pas ralentie pour la peine d'en parler, au moment ou, vers minuit, l'on vint mettre dans le corridor la veilleuse dont une lueur se projetait justement sur la rangee de nos bas encore vides. --Je vais bien voir! fis-je avec un redoublement d'anxieuse emotion... Rien d'inusite ne se passe. Quelqu'un qui rentre dans sa chambre, un silence profond, prolonge... Tout plaide en faveur de _Santa Claus_. J'ecoute encore... rien... Je me rassure, ma tete inquiete et tendue retombe souriante sur l'oreiller; tous les chers fantomes rentrent en se bousculant joyeusement dans mon cerveau rasserene. _Santa Claus_ triomphe. II s'avance deja dans mon reve, radieux, courbe sous un fardeau monstrueux, riant malicieusement dans sa longue barbe blanche de givre et d'antiquite. Oh, le beau moment! Je savais bien que ces gens-la mentaient qui disaient avec de mauvais sourires: --Il n'y a pas de _Santa Claus_! Est-ce que le bon Dieu se mele de cela?... On a beau dire, personne ne devine si bien nos souhaits et nos desirs intimes pour cacher adroitement dans nos bas juste les choses que nous voulons. Cher vieil ami! J'aurais voulu lui sauter au cou tant je le trouvais bon d'etre revenu! Oh! il devait bien avoir dans ce grand sac, de beaux patins pour moi! Je les lui avais demandes avec tant d'instances! Avais-je dormi longtemps quand un bruit soudain me fit ouvrir les yeux? Je l'ignore. C'etait un son metallique qui m'avait reveillee. Avant d'avoir pu recueillir mes esprits et de m'etre rendu compte de ce qui arrivait, j'avais vu l'ombre du nez paternel effleurer rapidement la muraille; j'entendis en meme temps le battement d'une pantoufle qui retraitait en hate.... C'en etait fait a jamais de mes reves merveilleux. Ils s'etaient effaces avec l'ombre susdite!.... II n'y eut, pour me consoler de la decevante realite, que les patins que je trouvai des l'aube, gisant sous mon clou particulier et dont la chute intempestive m'avait si douloureusement eclairee sur le prosaisme des choses d'ici-bas. Que de cruelles lecons m'a depuis donnees la vie, sans avoir pu epuiser pourtant mon fonds de poetiques illusions, tant on en amasse en ces folles annees de l'enfance. En l'honneur de ce premier de l'an, a ceux qui m'ont lue, je souhaite, comme recompense, de n'avoir pas trop d'oreilles pour les sinistres avertissements de cette vieille blasee qu'on nomme l'Experience. Libre a eux de ne pas croire a _Santa Claus_; mais au moins qu'ils lui trouvent des adeptes en leurs petits enfants, en reconnaissance des grandes joies dont nous lui avons tous ete redevables. LE REVE D'ANTOINETTE _A ma niece._ Quatre fois j'ai vu, quand c'etait le printemps, les grosses branches noires se revetir de feuilles, et, fieres de leur nouvelle toilette, l'agiter avec un gai froufrou en se pavanant au-dessus de ma tete, et les oiseaux tout joyeux revenir endormir leurs petits dans les berceaux de mousse neuve, au milieu des feuilles fraiches. Quatre fois j'ai vu, suspendues aux arbres, les corbeilles renouvelees de fleurs blanches et roses que le petit Jesus y accroche au mois de mai. Quatre fois aussi, depuis ma naissance, le tapis blanc de l'hiver s'est etendu sur la terre nue et laide pour la cacher a nos yeux attristes.... J'ai bien hate de vous faire part de ce qui me preoccupe; mais je tenais a vous dire cela auparavant, afin de vous donner une idee de mon age. Le calcul n'est pas difficile, et si vous etes un peu perspicace, vous avez devine que j'ai eu mes quatre ans au mois de juillet dernier.... C'etait la veille du jour de l'an; il s'agissait pour maman de m'amener a la ville pour m'acheter une coiffure... Le petit frere malade l'avait empechee de s'en occuper plus tot. Le detail peut paraitre futile, mais il est tres important. La suite de mon recit le prouvera. A deux heures, j'etais habillee, mais d'une drole de facon! Ne trouvez-vous pas--Je le demande aux personnes de mon age--que les meres ont une tendresse bien chaleureuse? Je l'appelle ainsi, parce que leur sollicitude et leur frayeur du froid les portent a nous emmitoufler de maniere a nous faire perir par un exces pour eviter l'autre. Je ris beaucoup quand, au moment de partir, je m'apercus dans la glace. Un vrai peloton de laine!... De mes boucles blondes, pas une n'avait ose s'echapper sous le triple tour du nuage bleu qui m'enveloppait la tete. Mon nez, enfoui dans tout ce lainage, paraissait si peu, que c'etait a faire croire que je n'en avais pas. On ne m'avait laisse que les yeux de libres, car on savait que cela me ferait tant de peine de ne rien voir... C'etait deja assez triste de ne pouvoir parler!... Ma bouche, il ne fallait pas y songer! Elle avait assez a faire de respirer a travers tout ce qui la couvrait. Enfin nous montons en voiture; puis, glin! glin! les grelots resonnent, et nous glissons vite sur la neige unie. Oh! que de jolies choses partout! Des equipages par centaines, de belles dames, des petits enfants drolement encapuchonnes comme moi!... Et, dans les vitrines, que de merveilles! Des chevaux superbes qui semblent attendre leur maitre; a cote, des familles de poupees, les bras tendus et les yeux grands ouverts, comme pour appeler et chercher leurs petites meres parmi tous les enfants qui defilent devant elles. A la fin, la voiture s'arrete, et Jacques, me prenant dans ses bras, me depose sur le seuil d'un grand magasin. Une demoiselle, habillee de noir, avec beaucoup de colliers et des cheveux frises qui lui descendent dans les yeux, s'avance vers nous. A la demande de maman, elle nous apporte plusieurs bonnets qu'on commence a m'essayer. Je n'ai pas besoin de vous dire que je profitai de ce moment de liberte pour raconter tout ce que j'avais vu! Apres m'avoir mis, ote et remis bien des choses plus ou moins pyramidales, il se trouva qu'une certaine coiffure, que la demoiselle en noir appelait tres a la mode, sembla plaire davantage. --Combien? --Cinq piastres seulement! fit la demoiselle frisee, avec un air tres aimable et d'un ton engageant--un peu comme Marguerite quand elle veut me coucher et que je n'ai pas sommeil. Petite mere ouvrit des yeux plus grands que d'ordinaire. --C'est bien cher! --Remarquez que la peluche de soie est tres dispendieuse, Madame, observa la marchande avec dignite, en flattant le bonnet sur ma tete, comme on caresse un petit chat. Celle-ci est de qualite superieure.... Puis, cela va si bien a votre joli bebe! continua-t-elle en se penchant pour me voir... Et c'est chaud. Cela couvre entierement les oreilles... Elle dit encore beaucoup de choses en tournant et retournant le bonnet tres a la mode. Pendant ce temps, maman versait sur la table un grand nombre de sous blancs que la demoiselle frisee donna a un monsieur en lui disant: Cache! [2] [Note 2: Cash, mot usuel dans le commerce canadien, pour appeler les preposes a la caisse qui font la monnaie.] Elle avait peur que nous ne les reprissions, probablement. Je ne puis vous dire tout ce que je vis d'etonnant dans cet apres-midi! J'etais fatiguee de tant regarder, et me sentis presque heureuse quand maman monta dans la voiture une derniere fois en disant a Jacques de nous reconduire chez nous. Une multitude de lumieres brillaient partout. Les rues etaient remplies de monde, de voitures, et de bruit. Tout a coup, a l'angle d'une rue, au milieu d'une foule de personnes qui passaient en riant et parlant tres haut, que croyez-vous que j'apercus?... Une maman tres vieille, avec sa petite fille, appuyees au mur d'une grosse maison. La mere avait les yeux fermes et mettait sa main sur l'epaule de son enfant. Elle, la pauvre mignonne, avait une robe bien laide et toute dechiree, un vilain mouchoir sur sa tete; ses mains etaient nues. Elle avait des grands yeux bleus pleins de larmes, qu'elle levait parfois en tendant sa petite main rougie vers les passants qui ne la regardaient pas. Oh! qu'ils etaient mechants! Quand je la vis ainsi grelottante et si triste, je frissonnai moi-meme sous mes flanelles. Je fis un grand effort pour designer la pauvrette; mais comment remuer sous les robes pesantes qui m'entortillaient et m'emprisonnaient completement! J'essayai de crier, mais le bruit de la rue couvrit ma voix. D'ailleurs, nous allions tres vite, et la petite mendiante disparut... Je pleurai tout bas, et j'y pensai longtemps. A la fin, comme j'etais bien fatiguee, je m'appuyai sur le bras de petite mere, et ne vis plus qu'a demi les lumieres qui dansaient en fuyant. Jacques me porta dans la maison. Papa nous attendait, et tout le monde se mit a table pour diner. Je fus d'une sagesse exemplaire ce jour-la! C'etait charmant de voir comme je ne parlais pas, moi qu'on gronde toujours pour trop bavarder!... Je ne mangeais pas beaucoup non plus, on trouvait cela bien singulier, car habituellement j'ai l'appetit d'un gros loup. A la verite, je me sentais bien pesante, et ma tete alourdie avait des envies folles de tomber sur l'epaule de maman. --Comme je serais bien dans mon lit! me disais-je tout bas. Marguerite m'amena avant qu'on eut fini. Je me laissai faire sans pleurer, ce qui est tres rare; et, quand elle me deposa dans mon lit tiede et mollet, l'egoiste Antoinette s'endormit sans songer a la pauvre cherie qui avait faim la-bas, dans la grande rue froide. Soudain, quelque chose passe devant moi en m'effleurant... C'est un quelqu'un mysterieux, vetu d'une longue tunique blanche et vaporeuse. Marguerite m'assure que c'est mon ange gardien. Sa douce figure me sourit et m'invite. Fascinee par cet appel irresistible, je mets ma main dans celle qu'il me tend, et nous nous envolons doucement tous les deux... Me voila de nouveau dans les rues claires et bruyantes. Je ne sais comment il se fait que le joli bonnet de peluche est sur ma tete!... Maman, craignant toujours les intemperies de l'hiver, me l'aura mis a mon insu au moment du depart, je suppose. Nous avions voyage a travers la ville eblouissante pendant quelques instants seulement, quand mon compagnon s'arreta... J'avais devant moi, qui?... la petite mendiante! Sa main glacee est tendue, et ses yeux humides m'implorent. La vieille pleure aussi, les yeux toujours fermes. Elle est bien lasse et s'appuie pesamment sur l'epaule fatiguee de l'enfant. Pauvre petite, je pouvais enfin contempler ce doux regard si triste qui m'avait tant emue! Je la caressais affectueusement en essuyant ses larmes et en l'appelant soeur cherie. Je voyais de pres aussi le vieux haillon noue sous son menton, et qui cachait si imparfaitement ses oreilles que souffletait la bise glacee. Je l'avais enleve pour mettre mon bonnet tres a la mode sur sa jolie tete, mais elle, l'otant aussitot, me le rendit avec un sourire navre: --J'ai bien froid, dit-elle, mais nous avons tellement faim, grand'maman et moi!... et son regard, sa main ouverte nie suppliait encore... --Un sou, un pauvre sou, s'il vous plait! murmura sa compagne en gemissant. Que faire!... Je regardai la douce figure; elle souriait toujours, mais restait muette. Une idee me vint tout a coup a l'esprit. --Pourquoi prodigue-t-on sans remords tant de sous blancs pour les coiffures de certaines petites filles, tandis qu'il en est qui n'en ont meme pas pour acheter un morceau de pain lorsqu'elles se sentent mourir d'inanition! Cela me parut absurde, et je resolus d'aller tout de suite rendre son mechant bonnet a la demoiselle, afin de rapporter les sous a la pauvrette. Apres avoir couru longtemps, cherchant en vain le magasin aux bonnets, je m'arretai, desolee, haletante, a bout de forces; puis, a la pensee de celles qui m'attendaient la-bas, le coeur palpitant d'esperance, je repris ma course sterile.... Le matin, a mon reveil, petit frere gazouillait dans son berceau, non loin de moi, et je voyais les vitres, toutes rouges et d'or, etinceler a travers le rideau de mon lit. En ouvrant bien les yeux, je decouvris a mes pieds une ravissante poupee!... Le plus joli bebe, avec une masse de cheveux bruns, frises comme une toison! Folle de joie, je me mis a courir pour montrer dans toute la maison le cadeau du Petit Jesus. J'embrassais tout le monde; je bercais mon joli bebe en chantant; je caressais ses boucles soyeuses en lui contant toutes sortes de choses. Ah! j'etais bien heureuse! En regardant les yeux bleus de Mimie (ma poupee avait ete baptisee tout de suite, naturellement), certain souvenir qui me revint me rendit toute triste... --Papa, dis-je, en jetant mes bras autour de son cou, veux-tu me faire un bien grand plaisir? --Mais oui. On ne refuse rien a sa petite fille le jour de l'an, repondit ce cher petit pere, qui me gate beaucoup, parait-il, que desires-tu? Je racontai alors tout ce qui s'etait passe, et, joignant mes mains avec ferveur, comme pour prier le bon Dieu, je le suppliai de nous amener les deux mendiantes pour les rechauffer et me laisser partager mes bonbons avec la douce enfant. --Mais nous ne les connaissons pas, cher ange, objecta mon pere en m'embrassant avec tendresse. --Oui, oui, reprit maman, je crois les connaitre. Cette pauvre aveugle est l'aieule et le seul support de six orphelins, dont la mere est morte de privations l'automne dernier. --Veux-tu, petite mere? repetai-je tout bas. Elle me prit sur ses genoux et me pressa sur son coeur, en promettant de m'accorder tout ce que je demanderais. Apres la grand'messe, en effet, on revint me chercher. Je m'installai dans la voiture, paree de mon fameux bonnet de peluche, munie d'un cornet de bonbons, et accompagnee de mademoiselle Mimie, qui faisait des grands yeux etonnes en se trouvant dehors. Jacques nous deposa dans une petite rue que je n'avais jamais vue, devant une vieille masure. Oh! que c'etait noir et triste la-dedans! Pas de feu, pas de lits blancs, rien!... Tous les petits freres, appuyes sur les genoux de la grand'mere, pleuraient amerement en lui demandant du pain. Marie (c'est le nom de la mendiante) avait ses bras autour du cou de son aieule. Jacques tira de dessous le siege de la voiture un grand panier qu'il emporta dans la maison. Figurez-vous que maman y avait entasse des robes, des bas, des gateaux, du vin, du pain, des poulets, des bonbons... Je donnai tous les miens aux petits freres, qui me faisaient rire. aux larmes en les avalant tout ronds. Je pretai aussi ma poupee a Marie. Elle osait a peine y toucher, et disait avec admiration a la vieille aveugle: --Oh! grand'mere! si tu voyais comme elle est gentille. Un vrai bebe vivant! La pauvre grand'maman pleurait, elle... C'est drole comme les vieilles gens pleurent toujours, meme quand ils sont heureux. Elle tenait les mains de maman et disait en secouant sa tete blanche: --Que le bon Dieu vous benisse, bonne petite dame! Que le bon Dieu vous benisse! Elle repetait constamment les memes paroles en sanglotant. Mais les orphelins etaient bien heureux. Ils devoraient les tartines que Marie leur distribuait, et allaient tous en offrir un morceau a leur bonne vieille maman. --Ne sois pas triste, grand'mere, nous n'avons plus faim! criaient-ils tous ensemble, sans toutefois perdre l'occasion d'enlever d'enormes bouchees a leurs gateaux ebreches. J'aurais voulu passer la journee a les regarder faire. Maman interrompit ma contemplation en me prenant par la main pour me conduire vers la vieille femme assise pres de l'atre sombre. Elle m'approcha tout pres de celle-ci et dit en lui touchant l'epaule: --Benissez-la! C'est elle qui m'a amenee ici. L'aveugle se leva toute chancelante, et, posant sur ma tete ses mains qui tremblaient, elle prononca lentement ces mots: --Ange du bon Dieu, soyez benie!.. Petite mere lui aida a se rasseoir et m'entraina hors de la maison. Les dernieres paroles que j'entendis avant que la porte se refermat sur nous furent celles-ci: --Que le bon Dieu vous benisse! Ainsi-soit-il! LE JOUR DE L'AN _ Pour les sept petites filles de Monsieur L. O. David, depute._ Assurement tous les petits enfants connaissent cette fete! Elle est belle, elle est radieuse pour le plus grand nombre. Elle ramene l'excellent vieux _Santa Claus_ avec des tresors fabuleux entasses dans ses poches immenses et inepuisable. Quelques-uns, helas! ne connaissent de ce jour que les privations, plus cruelles par leur contraste avec la joie de tout le monde. Ces malheureux petits pauvres que _Santa Claus_ ne connait pas, qui ne trouvent jamais, jamais rien dans leur soulier, c'est aux enfants heureux de les consoler, de se constituer leur Providence visible. Le Petit-Jesus, lui qui n'oublie personne, voit leurs larmes. Il les recueille toutes; il les change en des perles magnifiques dont il forme des couronnes plus belles que celles des anges car les anges qui ne pleurent jamais n'ont pas de perles a leurs couronnes. Puis, quand ses amis dorment, il les vient chercher et les amene avec lui au ciel, pour leur montrer ces precieux joyaux et les ailes faites de la gaze des plus blancs nuages, qu'il garde pour eux. Parmi les petites filles qui attendaient avec anxiete la joyeuse fete de l'enfance, il en etait sept qui, fort probablement, auraient ete forcees de renoncer aux etincelantes couronnes du Petit-Jesus, lesquelles ne se gagnent absolument qu'au prix des soupirs et des peines, n'eussent ete les pleurs que leur faisait verser parfois la compassion. Et ceux-la valent presque, aux yeux de Dieu les pleurs de la misere. Heureusement, les nobles emotions de leurs ames sensibles au malheur, achetaient pour elles ces celestes recompenses. Car des larmes!... d'honneur! c'etait un article rare sous leur toit. Hors le cas de pitie, elles n'en faisaient usage que juste ce qu'il faut pour baigner le sourire, en vue d'obtenir les objets de leurs voeux. On sait que c'est un principe de diplomatie qui a cours chez cette petite engeance, qu'un attrait irresistible a ajouter a sa requete est celui d'un regard suppliant a travers des pleurs. Et c'est d'excellente politique. Le moyen de resister, je vous le demande, a tant de beaux yeux emus qui prient avec une si gentille ferveur!... Le bon Dieu ne l'a pas encore trouve, lui qui est bien plus fort que les hommes. Mais en ce grand jour du "JOUR DE L'AN", il n'etait pas besoin de ruse ni de stratagemes pour etre heureux! Mon Dieu! que de tresors enfouis dans ces petits bas longs comme rien, mais si precieux pourtant avec leur riche et abondante _cargaison_! Quel bon genie avait donc pu deviner les desirs secrets de chacune pour deposer mysterieusement a son chevet pendant la nuit, l'objet si ardemment souhaite?... Il n'y avait qu'un "bon Jesus" pour realiser des reves si follement ambitieux... pour verser si genereusement autant de merveilles entre leurs petites mains! Les jolies fillettes adoraient, je vous le jure, ce cher bienfaiteur, ce prodigue ami des enfants sages et bons comme elles. Elles aimaient aussi de tout leur coeur leurs parents. Une pensee leur vint donc tout a coup, qui faillit compromettre l'extreme felicite dont elles jouissaient. Pourquoi le cher papa, pourquoi la belle maman ne recevaient-ils pas, eux aussi, des cadeaux du ciel!... Leurs bons petits coeurs se gonflerent a cette reflexion. Et l'attrait de toutes les choses prodigieuses etalees devant elles disparut soudain. La plus jeune des bebes, dont le bonheur s'etait incarne sous la forme de mille animaux mignons reunis en une arche de Noe lilliputienne, laisse la son vaste troupeau gisant par terre dans une attitude de desorganisation et d'inquietude, comme s'il n'avait jamais ete sauve du deluge, et que tout etait a recommencer. Par le plus bienvenu des hasards, entrerent a ce moment dans la chambre qui renfermait tant de desespoirs, les heureux parents de cette interessante famille. La tristesse se fondit comme par enchantement sous une pluie de baisers. --Nous en avons eu a profusion des presents du ciel! leur dit en pleurant de bonheur leur mere--les joyaux inestimables, les tresors que le bon Dieu nous a donnes, mes anges... c'est vous!... NOEL _Deux souliers_ Le petit Noel, au bout de sa tournee, s'arretait indecis devant deux souliers qui lui restaient a remplir. Et pourtant, rarement il hesite, car c'est son metier de semer a pleines mains le bonheur sur sa route, et le bienfaisant genie a pour cette tache delicate les graces d'etat. Jamais, depuis qu'il avait commence sa carriere, depuis qu'il avait ete charge de rappeler au monde le glorieux anniversaire en repandant les tresors de la charite divine, jamais il ne s'etait trouve en pareille perplexite. C'est que pour un seul cadeau qui lui restait, il y avait encore deux souliers a combler. L'un etait une merveille. La mule d'une sultane n'est pas plus precieuse, et Cendrillon en aurait avec plaisir chausse son second pied. Il etait fait de peluche brodee d'argent, et, sur le noeud de satin, nuance comme une fleur, qui l'ornait, un papillon reposait dont les ailes semblaient avoir garde des reflets d'aurore. Cambre sur son fier talon, touchant a peine le sol du bout de sa pointe effilee, ce soulier ne semblait avoir emprisonne jamais que le pied d'une fee mignonne, qui l'aurait laisse tomber a terre en s'elancant vers son mystique royaume. Mais, ce qui surtout faisait ressortir la grace exquise de l'adorable sandale et qui en meme temps embrouillait completement les idees de l'excellent petit Noel, c'etait le contraste du voisinage. A cote de ce chef-d'oeuvre d'elegance et de luxe, gisait, sur le tapis, le plus roturier des sabots. Lourd, use, crotte, il semblait durci au feu, apres avoir ete trempe aux bourbiers des rues. Pauvre petite ruine! peut-etre au demeurant etait-elle plus a plaindre qu'a mepriser pour sa laideur.... Comme il avait du vaillamment patauger, trottiner et courir pour etre ainsi sali et morfondu, le pauvre sabot! Mais, que venait-il faire ici? Et pour qui reclamait-il les faveurs du petit Noel? Celui-ci voyait bien devant lui--sommeillant dans leurs lits respectifs--deux enfants, aussi dissemblables d'attitude et de nature que l'etaient le soulier merveille et le grossier sabot; mais cela ne tranchait pas son embarras. Dans un berceau duvete, tendu de soie et de gaze blanches, vaporeuses comme les visions d'un reve, une enfant reposait. Elle ressemblait aux anges qui ornent les autels, tant elle etait belle et pale. Pas un soupir, pas un mouvement ne trahissait la vie sur sa figure ideale. Son repos etait une extase. Tout aupres, dans sa camisole de bure, une fillette rose dormait heureusement, la tete appuyee sur son bras potele. Ses cheveux en broussaille cachaient a demi son visage, et flottaient comme une poussiere d'or sur l'oreiller. Parfois un plus long soupir accentuait sa respiration; ses bras nus s'etiraient avec aise, ses levres closes, rouges comme un fruit mur, s'ouvraient en un sourire de beatitude, ses petons dodus repoussaient la couverture, puis la bouche rieuse se reformait en une fleur vermeille, les menottes disparaissaient dans la brume blonde des cheveux, les petits pieds blancs, devenus frileux, allaient s'enfouir sous les lainages; et l'enfant se pelotonnait voluptueusement dans la tiedeur de son nid. En la contemplant, le petit Noel cherchait a s'expliquer le mystere de ce bizarre rapprochement. Il supposait bien, lui qui connait intimement le bon Dieu, et qui sait que sa toute-puissante Providence ne s'amuse pas a de futiles espiegleries, il soupconnait fort, dis-je, un dessein de la misericorde divine. Et cependant!... repetait-il d'un air songeur en regardant le bebe mignon, qu'il etait bien pres de trouver importun. Un grand sac degonfle pendait au cou du celeste emissaire, et chaque fois que ses yeux tombaient sur le bon diable de vieux sabot, sa main instinctivement tatait ce sac vide. C'etait, selon toute probabilite, celui qui avait contenu les presents reserves aux souliers de cette categorie. Deja l'aube discrete glissait a travers les tenebres ses lueurs lactees. Bientot le sommeil, agite de reves fantastiques et de visions eblouissantes, allait fuir les paupieres enfantines, empressees de s'ouvrir aux belles choses deposees a leurs pieds par la munificence du petit Noel. Il fallait se hater. L'ami de l'enfance allait etre pris en flagrant delit de visibilite, et cela, il ne l'aurait pas voulu pour une couronne de seraphin! Chacun a son orgueil. Celui de cet excellent esprit est d'expedier la besogne qu'on lui confie, d'une facon irreprochable, et surtout promptement. Jamais il n'a ete surpris par le jour. Le flambeau que le bon Dieu lui prete pour guider sa course a travers les ombres, c'est l'etoile qui conduisait autrefois les trois rois d'Orient a la creche du Sauveur. Voyant que ses deliberations mentales ne l'amenaient a aucune conclusion satisfaisante, l'envoye du ciel eleva vers Dieu son pur esprit, et sollicita une inspiration. Il eut alors l'intuition du decret divin; Le sac qu'il avait cru vide fut ouvert, et son bras s'y plongea jusqu'a l'epaule pour en retirer un petit paquet mysterieux. Alors les innombrables bibelots qui avaient ete primitivement destines a l'opulente pantoufle furent divises en deux lots, et les mandataires muets qui, gisant sur le tapis, reclamaient tacitement leur butin, en recurent chacun une part egale. Puis, louant le Createur de son ingenieuse et tendre generosite, le bon petit Noel brisa le cachet de l'enveloppe enigmatique dont il avait devine le contenu precieux. Aussitot, une poudre doree s'echappant de ses doigts, tomba dans la sandale de peluche, puis dans le miserable sabot. Tout ce qui restait d'ombres dans la piece s'evanouit devant le poudroiement irise de cette poussiere merveilleuse, mettant partout des rayonnements. La fillette rose, blottie dans la profondeur des coussins, en devint toute resplendissante, et l'ange pale qui dormait a cote s'anima, se transforma tout a coup, sous le feu des reflets magiques. Un sang nouveau sembla s'infiltrer dans ses veines et colorer d'incarnat les lis de ses joues. La vie refleurissait en cette frele creature. Le petit Noel s'etait envole sans bruit. Deux voix enfantines eclaterent ensemble comme un delicieux chant d'oiseaux, emplissant le vaste palais d'echos inconnus. En meme temps une mere folle de joie accourait, elevait dans ses bras son enfant ravivee, et s'ecriait en la pressant passionnement sur son coeur: --Ma priere est exaucee! Soyez beni, Seigneur! "Qui donne au pauvre prete a Dieu", dit un touchant enseignement. Dans le cas actuel, le tout-puissant debiteur avait royalement solde sa dette, rendant un tresor pour une obole--une vie chere pour un abri donne a l'orphelin. Le partage avait ete judicieusement fait par le delegue de la Providence. Les deux souliers, sans distinction d'elegance ou de difformite, avaient ete surcharges de bonbons et de jouets. Tout cela etait merveille et nouveaute pour la naive proprietaire du vilain soulier. La veille, dans le tumulte d'une grande rue, un groupe de passants l'avait separee de sa mere. Voulant la rejoindre et courant en tous sens la pauvre mignonne se perdit. Alors lasse et desolee, elle s'arreta et se mit a sangloter dans son chale, murmurant tout bas l'appel qu'elle avait longtemps repete avec des cris dechirants: --Maman! maman! soupirait-elle comme une invocation, tandis que son petit coeur eclatait. Soudain, elle sentit que l'on abaissait doucement ses mains. Une grande dame, toute enveloppee de fourrures, penchee vers elle, lui demandait tendrement: --Pourquoi pleures-tu, mon enfant? Cette belle femme douce et triste l'avait fait monter dans une superbe voiture, et l'avait emmenee en un palais eblouissant ou la pauvresse fut choyee, dorlotee, a un tel point que le souvenir de son malheur en devint moins cuisant. Elle avait aussi trouve, sous le toit hospitalier de sa bienfaitrice, un ange consolateur. C'etait une enfant frele, avec de grands yeux pensifs ou il y avait quelque chose de profond et de serein qui etonnait, en la subjuguant, la simple fillette. La belle dame contemplait avec attendrissement ces deux gracieuses creatures s'observant avec curiosite et causant en leur langage d'oiseaux. Elle vint se mettre a genoux pres du joli groupe, et ses yeux tout pleins de larmes, allant de l'une a l'autre, semblaient les comparer. --Que je serais heureuse! repetait-elle, que je serais heureuse! Prenant entre ses mains la tete angelique de sa fille et la baisant avec tendresse: --Prie le bon Dieu avec moi, qu'il te fasse ressembler a cette chere petite! lui dit-elle. Les ames innocentes s'entendent bien entre elles. Les deux bebes devinrent bientot les plus grandes amies du monde. L'une essuyait les larmes de l'autre, qui finissait par sourire aux caresses de sa douce protectrice. Quand sa belle amie mit sa precieuse pantoufle sur le foyer, la pauvre enfant perdue l'imita naivement, et les compagnes, gentilles a ravir dans leur posture d'anges, joignirent les mains et prierent ensemble le petit Noel de s'en souvenir. Comme on l'a vu, leurs voeux furent accomplis. Apres avoir curieusement parcouru, scrute et explore le logis magnifique qu'elle occupait depuis la veille, la grosse fillette s'orna sans rien dire de tous les presents qui avaient plu dans son sabot, jeta de travers sur ses epaules le vestige fane qu'elle appelait "son chale", posa sur le buisson inextricable de ses boucles un bonnet de laine, et se presenta, ainsi equipee, devant un grand laquais qui se tenait debout dans l'antichambre: --Je veux voir maman, declara-t-elle en levant vers lui sa figure ingenue. --Ou demeure-elle, ta mere? demanda le laquais ironique sans se deranger. --Je trouverai bien. Ouvrez-moi seulement cette grande porte. Le serviteur galonne se mit a rire en analysant le bizarre accoutrement de son interlocutrice. Elle le regardait avec ses grands yeux naifs, et attendait. Quand, a la fin, il se decida a ouvrir les deux enormes battants de la porte massive, elle se retourna une derniere fois vers sa compagne, lui sourit doucement en maniere d'adieu, et, serrant plus fortement ses tresors, pour ne pas les perdre en route, elle partit en courant. C'est alors que le petit sabot se remit a patauger en expert, et que les polichinelles et les poupees, etroitement emprisonnes entre ses bras, eurent leurs cheveux joliment ebouriffes par les collisions diverses qu'ils subirent avec les passants, les poteaux de reverberes, que sais-je encore! Et, ma foi, tout etait pour le mieux. Ces personnalites elegantes, en leur mise irreprochable, se fussent trouvees bien depaysees dans le logis ou les conduisait leur petite maitresse. L'emmelement de leurs chevelures, et les menues avaries que recurent leurs toilettes pendant le trajet, les firent accueillir comme de la famille chez leurs nouveaux hotes. Apres une tres longue course, notre amie s'arreta devant une bicoque, et frappa la porte du pied en appelant sa mere. Elle tomba dans les bras de celle-ci, toute bourree de ses cadeaux, cherchant a les garantir jusque dans la chaleur de l'etreinte maternelle. Aux questions empressees: "D'ou viens-tu, chere enfant? Qu'as-tu fait? Ou as-tu passe la nuit?" la fillette ne repondait rien. Elle exhibait a ses petits freres son riche butin, ses yeux brillant du plaisir de se retrouver dans la misere et l'intimite de sa cahute. La rentree de la chere absente avec son attrayant cortege chassa le laid fantome du desespoir qui etait venu s'asseoir au foyer. La mere ravivee, bercant longuement entre ses bras le bebe retrouve, oublia toutes les angoisses des dernieres heures. Le bonheur qui n'attendait que ce signal eclata dans la masure un instant assombrie... Car le petit Noel avait aussi passe la, jetant dans les sabots la semence d'or qui donne la paix du coeur, l'insouciance heureuse et la fraicheur coloree d'une vigoureuse jeunesse. Pour recompenser la charite d'une mere, Dieu avait donc mis dans un palais le don inestimable qu'il reserve a ses amis les pauvres. Il y avait depose le rare bien, l'unique tresor en cette vallee de larmes. LE JOUR DE L'AN AU CIEL _A mes trois petites amies, Heva, Constance et Marie-Paule,_ Au ciel il ne fait ni jour ni nuit. Dans cet heureux sejour luit constamment une splendide lumiere, faite de toutes les aurores que le bon Dieu garde en reserve pour nous les dispenser une a une, de tous les rayons que nous verse journellement sa munificence sans jamais en epuiser le tresor, et de tous les astres eblouissants qui lui restent a semer encore dans les espaces azures. A la verite, tout cela serait bien insuffisant pour eclairer l'immensite du celeste royaume, si la toute-puissance du Createur lui-meme ne l'illuminait d'un divin et suave reflet devant lequel le soleil palit. C'est bien beau le paradis!... C'est si beau, si beau, que les hommes n'osent pas essayer de le decrire! Pourtant, a certains moments, parait-il, le ciel retentit d'harmonies inaccoutumees, et semble encore, si c'est possible, rayonner de clartes plus magnifiques. Le jour de Noel, par exemple, c'est grand gala, assure-t-on. Je vais vous dire ce qui m'est arrive, a travers les nuages des enivrants echos de ces fetes. Les lyres d'or des seraphins vibraient encore des accents du beau concert de Noel. Deja les elus les plus anciens--semblables aux bons vieux serviteurs qui ne s'attardent jamais dans l'accomplissement d'un devoir--se relevant de leur longue adoration aux pieds de l'Enfant-Jesus, dont c'etait la fete speciale, songeaient a retourner a leurs postes respectifs. Saint Pierre regagnait sa loge de concierge d'un pas alerte. (On sait qu'au ciel, le grand age n'est pas un fardeau.) Sainte Cecile, qui s'etait particulierement surpassee par des elans d'extatique inspiration, remettait sa harpe dans son riche etui. Les petits anges folatres, reprenant leurs jeux, se poursuivaient en agitant leurs ailes blanches, jusqu'aupres de de la belle Vierge qui souriait a leurs ebats, et sous la surveillance du grand maitre des angeliques legions, sain Michel. Le vainqueur de Satan conservait l'allure formidable qui convient a un heros guerrier. Il n'effrayait pas cependant, avec son grand glaive--celui precisement qui lui servit dans son fameux combat avec Lucifer--les petits soldats de son armee; quelques-uns d'entre eux se refugiaient jusque dans les plis de ses ailes pour echapper aux espiegles assauts de leurs freres. --Ah! maintenant, disait a d'autres bienheureux un beau vieillard, il me faut songer a mes enfants de la-bas! Savez-vous qui il appelait ainsi, ce beau vieillard? et soupconnez-vous un peu ce qu'il pouvait etre lui-meme? Ce venerable personnage n'etait autre que le fameux _Santa Claus_. Et _ses enfants_?... C'etaient vous, c'etaient toutes les fillettes sages qui ont merite des etrennes. Mes cheres amies, je ne voudrais pas etre obligee de vous enumerer toutes les choses inouies, renfermees dans le magasin aux etrennes dont notre vieil ami avait la charge. Cela me prendrait bien plus de temps qu'il ne lui en fallut pour les verser toutes dans ses enormes sacs. Vous savez les superbes caresses que les fees d'autrefois faisaient surgir de modestes citrouilles, et les toilettes magiques qu'elles donnaient a leurs filleules!... Vous avez vu dans l'histoire de Cendrillon de quels adorables bijoux ces mystiques dames couvraient leurs protegees?... Eh bien, tout cela n'etait rien a comparer au riche bagage de _Santa Claus._ Songez-y! Il y avait la de quoi rejouir tout un univers de petits enfants! Quand le messager de la bienfaisance divine traversait le ciel, courbe sous le poids de ses tresors, pour aller prendre conge du souverain Maitre et recueillir ses instructions, le bruyant cortege des anges s'arretait pour le regarder passer. Il se trouvait meme des elus qui avaient ete d'austeres penitents sur la terre, et qui s'amusaient naivement a examiner ses delicieux bibelots. Saint Jerome, par exemple, et d'autres saints qui ont toujours vecu dans le desert, et qui n'avaient jamais vu de joujoux, s'extasiaient litteralement devant tous ces chefs-d'oeuvre de la paternelle liberalite du bon Dieu. --Il y en a pour tout le monde? demanda le Petit-Jesus. Mes enfants seront tous heureux? _Santa Claus_ le croyait bien. Il partit donc avec une troupe d'anges. Ces anges sont pour le servir dans sa charitable tournee. Ils se glissent doucement a l'interieur des maisons, et deposent dans les mignons souliers l'envoi du divin ami de l'enfance. Cela exempte de la peine au bon vieillard et abrege la besogne. Il a tant de chemin a faire dans une nuit! La celeste delegation etait de retour au paradis avant que fussent tendus dans le firmament les voiles mordores du matin. Le cortege, en arrivant, alla se prosterner devant la divine Majeste. Cependant, _Santa Claus_ n'avait pas, comme d'habitude, ce sourire content que donnent la satisfaction du devoir accompli et la certitude d'avoir fait des heureux. Le Petit-Jesus, que la sainte Vierge bercait dans un lit tout orne de diamants, tandis qu'elle chantait doucement de sa voix qui ravit le ciel, le Petit-Jesus avait remarque cela tout de suite: --Les presents ont-ils donc manque? Qui n'est pas satisfait? Le bon _Santa Claus_ raconta alors ceci: Mon travail etait acheve sur la terre, dit-il. Je remontais lentement vers ce celeste sejour en jetant sur l'univers un retrospectif coup d'oeil, pour m'assurer que personne n'avait ete oublie. Je disais, en me rejouissant, a mes compagnons; --La, nul ne pleurera demain! Les prieres enfantines que notre bon Pere aime tant monteront vers lui reconnaissantes, chaudes et pleines d'amour!... Mais soudain... j'apercus, dans un des coins obscurs et deserts d'une grande ville, quelqu'un... une enfant, seule, glacee, perdue dans la nuit noire. Elle tremblait de frayeur, elle se mourait de faim, de misere et de desespoir. La pauvre mignonne repetait tout bas, pendant que ses grands yeux desoles regardaient le ciel et que ses petits membres grelottaient: --Mon Dieu, qui avez pitie des enfants delaisses!... Ma mere qui etes la-haut, voyez-moi... j'ai froid, il fait noir, j'ai bien peur!... Elle etouffait ses sanglots de crainte d'attirer les affreux passants de la nuit. Que faire pour la consoler!... Je me mis a chercher dans tous mes sacs, esperant y trouver quelqu'objet oublie... mais, helas!... rien, tout etait epuise. Et d'ailleurs, qu'auraient pu des jouets devant cette detresse que vous seul, puissant et genereux Jesus, pouvez guerir par un miracle. J'aurais pense a cela tout de suite, n'eut ete l'emotion qui troublait mes idees. Apres un moment de reflexion, j'envoyai pres d'elle un de mes anges, lui enjoignant d'en avoir bien soin tandis que je viendrais vous supplier de la secourir. Le Pere eternel, qui de son trone resplendissant avait tout entendu, dit: --J'ai vu les larmes de cette enfant J'ai entendu le cri de sa douleur et de sa confiante priere! Voici ce qui s'etait passe tandis que _Santa Claus_ parlait. Sur un signe du Tout-Puissant, un ange etait aussitot venu se prosterner pour recevoir ses ordres. Ce prince de la cour celeste etait le plus beau des seraphins. Un rayon de la souveraine bonte de Dieu--celui de sa misericorde--se refletait en lui. A son front brillait un incomparable diademe ou etait incruste en lettres formees de l'or des astres, le beau, le grand mot--DELIVRANCE. --Va! lui avait dit le Dieu genereux et tendre, va briser les liens qui retiennent sur la terre cette chere ame martyre! A cette injonction, le messager obeissant se leva et partit. Il n'objecta pas qu'il faisait bien noir la-bas, et que le lieu ou gisait la pauvresse lui etait inconnu. --La Providence pourvoit et veille a tout! Telle etait sa pensee. Il deploya ses grandes ailes plus lisses et plus blanches que celles des cygnes, et descendit a travers les couches bleu sombre des espaces, effleurant les mondes sans s'y arreter, et laissant apres lui dans les ombres du firmament une longue trainee lumineuse. Les savants terrestres dirent: --C'est un admirable meteore! L'ange de Dieu, lui, qui soutenait la petite agonisante, souffla a son oreille: --Courage! voici la delivrance! Quand l'envoye de l'infinie misericorde fut arrive dans la grande ville obscure et silencieuse, un phare, epanchant une douce lueur, semblable aux rayons caressants de la lune, parut au ciel et lui montra sur le sol dur et glace, la belle enfant a genoux, suppliante, les mains elevees en une muette priere.... Il enleva son ame et remonta avec elle au Paradis. La, elle recut la belle couronne des elus et la glorieuse palme du martyre! La, elle oublia toutes ses souffrances aux pieds de Dieu, aupres de la tendre Vierge et de sa mere, qu'elle retrouvait la-haut! Elle fut tout de suite amie avec les petits anges qui, pour jouir de son naif ravissement, se plaisaient a lui montrer toutes les splendeurs du ciel. Quand elle alla baiser les pieds du Petit-Jesus, le divin Enfant lui demanda avec un doux sourire: --Regrettes-tu ton jour de l'an de la terre, ma petite amie? Des larmes de bonheur et de reconnaissance repondirent pour elle. Le lendemain, les passants trouverent sur le pave un petit cadavre froid et rigide. --Pauvre, pauvre enfant! murmuraient-ils dans leur pitie. Mais elle, au sein de la felicite et de l'extase des cieux, disait aussi: --Pauvres, pauvres mortels! HISTOIRE DE DEUX SERINS _ Petite fable_ Le soleil avait souri, a travers les branches denudees, d'un sourire plein de promesses; les bourgeons avaient perce la dure ecorce, les corolles s'entr'ouvraient fraiches et rieuses, et les arbres, jasant avec la brise, balancaient leurs domes verdoyants au-dessus des sources grondeuses. Les oiseaux revenaient par essaims pour feter la naissance des vertes feuillees, et celle des marguerites, leurs petites amies des champs. Les nids moelleux s'equilibraient aux jointures des branches; deja leurs hotes se gazouillaient tout bas leurs esperances pour la nouvelle couvee. A la cime d'un grand chene, tout une famille de serins saluaient, certain matin, l'aurore de son premier jour. Le ruisseau qui dort, sous les grosses branches de l'arbre geant, le rayon de soleil qui miroite sur la feuille humide au bord du nid, le coin d'azur a travers le rideau de feuillage, cette verdure flottante qui les berce avec de caressants murmures, toutes ces nouveautes ravissantes qui se revelent a leurs regards etonnes, tiennent hors du nid les tetes curieuses de ces etres naissants. L'horizon empourpre, la source eblouissante qui bondit sur le flanc de la montagne, les flocons blancs dans le bleu du ciel, tout cela a des tons chatoyants et seducteurs, des appels gros d'attraits et de promesses pour les nouveaux eclos. Et c'est un murmure continu, un concert de petits cris joyeux. Qu'ils sont heureux de vivre!... Oiselets d'un jour, ils ont le present harmonieux et ensoleille; et l'avenir!... l'avenir! Quand les plumes dorees auront pousse, quand les ailes diaprees se deploieront avec la vigueur de la jeunesse! l'avenir ne se prepare-t-il pas pour eux plus doux que le nid, plus vermeil qu'un reflet de crepuscule dans le ruisseau limpide? Les petits serins ont cru. Ils ont atteint la taille ordinaire des oiseaux de leur espece; mais l'un d'eux surtout est un prodige, l'orgueil de la famille, la gloire de la nichee. Quand sa voix vibrante et modulee eveille les echos matinals, plus d'une jeune serine sent palpiter son coeur d'oiseau, et joint une note emue a ses trilles eclatants. Les etres ailes, moins meticuleux que les hommes, reconnaissent sans formalite et acceptent sans elections, le souverain que Dieu semble leur designer dans celui d'entre eux qu'il dote de plus de charmes. Ceux du vieux chene avaient voue un culte d'admiration et d'hommage a leur superbe compagnon. Mais lui, indifferent a ses honneurs et a son prestige, ne formait dans sa tete altiere que des projets aventureux de fuite et de voyages. Un jour--aussi puissant que beau--il s'elanca d'un seul trait, de la cime du grand arbre au sommet de la montagne lointaine. Puis, intrepide, il alla se percher sur une branche morte accrochee au milieu de la cascade fougueuse. De la il envoya au ciel sa chanson triomphale. Ses parents effrayes avaient essaye de le suivre, mais tristement ils etaient revenus au chene, l'epier de loin, le coeur serre par un funeste pressentiment. D'un vol aussi rapide le temeraire enfant etait revenu; toute la tribu en emoi l'attendait anxieuse. Au lieu de regagner le nid paternel ou ses petites soeurs attendries l'appelaient de toutes leurs clameurs, le jeune heros, comme pour lui faire hommage de ses premiers lauriers, alla droit chez sa voisine, la plus jolie serine du monde, secouer ses ailes etincelantes des gouttelettes diamantees de la source, et roucouler la plus suave, la plus delicieuse, la plus enchanteresse des melodies que Dieu ait enseignees a ses creatures. Les humains qui l'entendirent crurent que les accords d'une musique mysterieuse, s'echappant des spheres celestes, etaient parvenus a leur oreille privilegiee. Les echos emerveilles la repeterent avec enthousiasme. Tout le vieux chene tressaillit, et un concert de louanges s'en eleva comme une fusee vibrante et prolongee. Ces joyeux accents avaient ragaillardi toute la peuplade. Chacun, sous la feuille qui l'abrite, s'endormit paisible, revant de douces choses. Seule, la belle serine avait compris le mot d'adieu cache sous la chanson Brillante. Tristement sa petite tete veloutee s'enfonca sous le duvet de l'aile maternelle. Qui dira combien d'etoiles s'etaient allumees au firmament, combien de soupirs avait pousses la brise a travers les feuilles fremissantes avant que le repos vint clore sa paupiere! Le lendemain--toutes les fetes ont un lendemain--les premiers reflets de l'aurore avaient effleure la cime de l'arbre seculaire, le roi du jour, disant adieu a d'autres peuples, apparaissait, s'elevait majestueux de son bain de flammes. Toute la nature chantait l'hymne matinale a sa maniere, et le vieux chene etait muet--muet, mais plein de consternation, d'agitation et d'effroi.--L'idole, le serin adore, le beau charmeur des bois s'etait envole, laissant l'angoisse au nid, le deuil a la voisine eploree. Elle, puisant une energie desesperee dans l'agonie de son coeur, etendit toutes grandes ses ailes freles et timides, et disparut. La belle idolatre, n'ecoutant que son amour, volait sur la trace du cher infidele. Trois longs jours de recherches et de souffrances s'etaient eternises pour l'infortunee voyageuse. L'ouragan avait souffle, la tempete avait mugi. Le matin du quatrieme jour les arbres, courbes par la tourmente redressaient leurs panaches ruisselants. Le soleil revenait secher les pleurs de la nature qui souriait a travers ses larmes en revoyant son radieux epoux... La pauvre serine epuisee, affaissee sur une branche, buvait languissamment des gouttes de pluie qui tremblaient sur une feuille de peuplier... Soudain, elle se redresse et bondit. Elle a entendu... Oui, ce ne peut. etre que lui!... Un petit cri bien faible, presque imperceptible; mais pourquoi son coeur s'est-il arrete a cette voix, pourquoi bat-il maintenant a se briser! Elle attend inquiete, le cou tendu, le regard intense, plein d'anxiete et d'espoir. Le cri se repete, doux, navrant, prolonge. Rapide comme l'eclair, la serine franchit l'espace qui la separe de son bien-aime--oh bonheur! il etait la, elle le retrouvait! Mais non. L'esperance un moment ravivee allait s'eteindre a jamais. Helas! le roi du vieux chene est blesse. Son aile rompue palpite de douleur. Une fievre brulante l'agite et le consume. Il souffre. Il se meurt. Ah! pourtant il ne peut perir, puisque le devouement et l'amour subsistent encore pour lui en un coeur feminin! La jolie serine se fait soeur de charite. Multipliant les soins au bien-aime malade, elle vole au torrent, en rapporte dans son bec trois gouttes fraiches pour les couler sur la blessure. Elle remet doucement le membre casse dans sa position normale, lisse de son aile de velours les plumes herissees autour de la plaie, verse dans la gorge alteree du cher blesse une eau rafraichissante. Elle voltige, sautille sur le gazon d'une facon embesognee, va et vient, s'oubliant elle-meme, s'epuisant pour faire revivre ses amours. A la fin l'heroisme eut sa recompense. Par la plus belle et la plus radieuse des matinees, le couple mille fois heureux revint au pays. Le fiance etait si rayonnant qu'on ne s'apercut pas qu'il boitait un peu. Il y eut noce complete au vieux chene. De la base a la cime il retentit tout le jour de chants d'allegresse. Le beau serin resta le roi. L'annee suivante, en cedant le sceptre a son heritier, il lui donna ce sage conseil... Au fait, que croyez-vous qu'il lui dit? De toujours rester au nid natal, prudemment abrite sous l'aile maternelle?.. Oh non! --Mon fils, lui dit-il, quand la mousse du nid, quand la tendresse de ta mere ne suffiront plus aux aspirations de ton coeur trouble, va, mon enfant, au sein de la tempete, recueillir une precieuse blessure; le ciel alors t'enverra un messager beni qui te fera revivre deux fois!... Mon fils, un pareil tresor vaut bien une aile brisee. LE DERNIER BIBERON On avait dit a bebe:--C'est fini maintenant! Vous etes trop grande. Il faut jeter cette affreuse chose au chat. Au _Cat_, repetait-elle, captivee par le souvenir du favori. Et c'est tout ce qu'elle retenait de ce grave syllogisme. Or voici ce qui en etait; La question avait ete agitee en famille a l'heure du couvre-feu, au moment ou bebe en camisole blanche, les gros petons nus, distribuait les bonsoirs, embrassant a grand bruit sa menotte etendue, a l'adresse de chacun. Toutes les tetes levees, fascinees par ce Jesus potele aux boucles blondes, souriaient, lui renvoyaient les baisers; mais...... la bonne se penche, et, a demi-voix:--Faut-il le lui donner?--Ah c'est vrai! fait la maman subitement rembrunie, prise de lachete devant la grandeur du sacrifice, puis cedant tout-a-fait: --Si, pour ce soir. Alors le pere, sans quitter sa gazette, mais enlevant son cigare, prononce avec energie;--Ne lui donnez pas cette horreur! je vous en prie! a! il proteste. Ca lui est bien facile a lui. --On ne peut pas, fut-il objecte, tout d'un coup, comme cela.... Mais lui l'interrompant: --Je te dis que vous l'empoisonnez! Vous l'empoisonnez! voila bien les peres. Ces stoiciens de la theorie, ces braves d'arriere-plan qui commandent la manoeuvre d'une voix de tonnerre et s'enferment dans leur cabinet pour ne l'entendre pas executer. --Eh bien! essayez, avait dit la maman avec resignation, intimidee par tant de fermete. Mais vous ne savez pas encore le sujet du litige. L'article en question, l'objet des foudres paternelles, c'est une petite chose informe, d'une teinte grisatre, brouillee, inquietante; un lambeau de caoutchouc, dechiquete par des dents aigues; c'est un vestige du dernier biberon de bebe, aussi meconnaissable qu'une balle dont on retrouve le plomb fondu et mache; une chose, enfin, peu appetissante, d'un parfum.... etrange, et a laquelle le petit monstre tient plus qu'a tout au monde. Aussi est-on decide a en finir. Ce matin encore, comme le papa, fier de surprendre son reveil d'oiseau, la prenait dans son nid, toute chaude, les yeux couvrant clairs et grands a la joie du matin, et allait l'embrasser avec ferveur, elle lui entra cet objet dans la bouche. Il en cracha pendant cinq minutes, tres en colere, jurant... d'operer des reformes radicales, de trancher dans le vif, bref, de faire un coup d'eclat. Et tout ce temps la pauvre insouciante victime de demain, la mignonne rose savourait l'horrible sucon. Apres le depart de la bonne, il s'etait fait un silence, gazette et livre s'etant releves. Au bout d'une minute pourtant, la voix du tyran se fit entendre, mais sans cet accent invincible de tout a l'heure, une voix tres mitigee, ou l'on sentait poindre un attendrissement. --Ne ferais-tu pas mieux d'y aller? --Non, ce serait pire. Nouveau silence, puis soudain, le choc attendu; une explosion de larmes la-haut. Il s'en suivit un tumulte, une envolee de feuillets,... --Attends! dit le maitre, tu vas tout gater! L'obeissance la retient un moment, mais les cris continuant elle se precipite, et du bas de l'escalier: --Marie! Marie! s'ecrie-t-elle, donnez-lui! donnez-lui!.... Elle revient, le calme aussitot retabli, tout emue encore et murmurant: --L'idee de le lui enlever ainsi, sans preparation!... Pauvre chou! De son cote le papa tres remue, mais voulant tenir decemment son role jusqu'au bout, va chercher une allumette, ayant laisse son cigare s'eteindre, et leve les epaules a l'effet de blamer cette defaite a laquelle il ne prend aucune part. Il fallut donc apporter a l'evenement tout le soin que necessitent les resolutions importantes. --Depuis quand, monsieur le papa vous qui avez lu l'histoire, depuis quand le progres surgit-il ainsi spontanement, sans efforts, du terrain des mauvaises habitudes et des abus? Citez-moi une reforme qui ait pousse, de meme qu'un champignon sur une terre inculte, sans etre amenee, conduite, preparee par une main habile et patiente!... Paris ne s'est pas fait en un jour! Telles sont les ressources de la diplomatie maternelle et le resume de son plaidoyer en faveur d'un atermoiement. Bebe a deux ans et demi du reste et sa mere qui lit en son petit cerveau comme dans un A B C ouvert, y voit deja un embryon de logique. Aussi est-ce ce bon sens en herbe qu'elle compte exploiter pour accomplir la reforme projetee. Bebe recut un jour une superbe poupee bleue. Bebe fut ravie, folle de joie, et ne voulut plus quitter cette poupee, pas plus a table qu'a la promenade ou au bain. Il la lui fallut meme pour dormir. Mais voila! la nouvelle venue est l'ennemie declaree des sucons! Que faire alors? Jeter le sucon au minou? --Jeter a minou, fait le petit singe. En effet, la maman ouvre la fenetre et Bebe lance elle-meme son meilleur ami dans la cour. Une fois blottie dans son lit blanc avec la precieuse poupee bleue, l'heure du dodo venue, la pauvre petite s'apercut bien qu'il lui manquait pourtant quelque chose, car deux fois, elle rappela sa mere qui l'avait ce soir-la bordee longuement, se sentant tout attristee, le coeur fondu de compassion devant l'ingenuite de ce sacrifice sans murmures; elle demanda du lait et voyant la tasse fraichement videe, reprit avec un soupir: --Bonsoir, maman. Une priere, une seule, se pressait sur ses levres qu'elle n'osait formuler, la sentant deraisonnable. A la fin, trouvant un ingenieux pretexte pour trahir son gros regret: --N'en a plus. Donne au cat! fit sa douce voix, du meme ton insidieux et enjoleur qu'on le lui avait repete tout le jour en vue du succes final. Le tyran dans son antre, oubliant de lire son journal, attendait avec impatience la fin de l'aventure. --Eh bien! dit-il, des qu'il la vit revenir, allant a pas de loup, marchant avec precaution comme si le moindre souffle eut pu compromettre la victoire esperee. Bebe ne pleura pas, mais elle s'endormit fort tard, et au petit jour elle s'eveilla en larmes demandant le sucon, puis s'avisant aussitot de l'absurdite de sa requete, elle se mit a crier plus fort. --Quelque chose de bon! Son innocente lachete avait encore sa pudeur. Ce fut la reaction; et les evenements ne tarderent pas a justifier les previsions de la clairvoyance maternelle. Au bout d'une semaine ce gros chagrin etait oublie... et puis quoi!.. Eh bien Bebe ne s'en trouva pas plus mal, au contraire, puisqu'on ne l'empoisonnait plus, et ce furent pour les sages les regrets: Cette importante reforme si habilement obtenue, cet avancement notable de l'enfant, ce progres fameux, qu'etait-ce en effet?.... La derniere etape de cet age exquis de la premiere enfance ou notre cheri n'est qu'un poupon gras et rose qui tient tout, comme une petite boule, dans la corbeille que lui font nos bras. C'est le commencement de cet autre ou l'on devient consequent, ou l'on comprend, ou l'on souffre. Y a-t-il vraiment la de quoi etre fier? C'est bien la peine de sevrer les pauvres innocents de leurs pures joies! Par quoi les remplace-t-on? Par les enseignements maussades de la raison, de l'experience--cette maratre qui ne sait corriger qu'en chatiant. Pauvre bebe, cher petit mouton qui te laisses tondre de tes gracieuses et charmantes fantaisies, quand tu auras de grandes gigues et des breches dans la rangee de perles fines que decouvre ton sourire, alors on songera avec envie a ce que tu fus autrefois; on s'attristera de te voir pousser si vite et laisser loin derriere les chers souvenirs du temps des biberons. C'est ainsi que le sort te venge de ceux qui s'acharnent a te rendre sage--comme eux. C'est probablement ce regret anticipe qui fit que la maman de tout a l'heure, bientot revenue de l'orgueil de son triomphe, put etre vue cherchant avec soin, sous sa fenetre, parmi les balayures, un petit objet perdu, pleurant presque, a l'exemple de bebe, a la pense que le vilain chat aurait bien pu en effet le manger. Et, le vieux biberon disgracie, exhume avec honneur, devint une precieuse relique. End of Project Gutenberg's Contes de Noel par Josette, by Madame R. Dandurand *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CONTES DE NOEL PAR JOSETTE *** ***** This file should be named 13024.txt or 13024.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: http://www.gutenberg.net/1/3/0/2/13024/ Produced by Renald Levesque and La bibliotheque Nationale du Quebec Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. 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